Quelle est la rentabilité des sites d’info ? Pour le savoir, nous avons tenté de déterminer le chiffre d’affaires et le résultat net de 147 sites membres du Spiil (Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en Ligne.)
Disons-le tout de suite : le tableau et les résultats présentés sont un simple indicateur. D’une part, tous les sites ne déposent pas leurs comptes (notamment ceux qui ont le statut d’association 1901). Pour ceux qui le font, nous les avons consultés sur le site mintglobal.bvdinfo.com. Celui-ci est alimenté à partir les comptes déposés par les sociétés éditrices aux greffes des tribunaux de commerce -y compris lorsque les comptes sont déposés dans un pays étranger. Ainsi, si 147 sites ont fait partie de la liste de départ, parmi eux, 69 seulement déposent ou ont déposé leurs comptes aux greffes des tribunaux de commerce.
D’autre part, les comptes peuvent être déposés avec retard (pour certains, les infos remontent à 2011). Impossible, par conséquent, que le tableau représente un « état des lieux » économique de la presse numérique en 2020.
Enfin, nous n’avons donc pas inclus (sauf exception, comme Polka magazine) les sites adossés à des titres papier (Le Monde, Le Figaro, etc…). D’une part, la plupart d’entre-eux ne sont pas, par définition, membres du Spiil. Et d’autre part, comme nous n’avons pas accès à leur comptabilité analytique interne, il est difficile, voire impossible, de connaître leur contribution à la bonne (ou moins bonne) santé globale du titre de presse concerné : quelles sommes sont imputées au titre papier ? Celui-ci prend-il en charge les dépenses informatiques du site ? Comment « comptabiliser » un rédacteur ou une rédactrice travaillant à la fois sur le site et sur le « print » ?
Nous avons tenté, dans la rubrique « commentaires » du tableau, de déterminer le « business model » des sites d’info étudiés: abonnements uniquement ? Abonnements et publicité ? Evénements payants ? Newsletter payante ? Native advertising ? Un cocktail de tous ces outils ? Un foisonnement qui explique pourquoi les sites ont souvent du mal à définir une politique de prix cohérente.
Extrait du tableau
(Le tableau complet se trouve ici)
Principaux résultats
Quelle est donc la rentabilité des sites d’info indépendants ? Lors de la dernière année de dépôt de compte relevée, 44 sites étaient bénéficiaires, et 25 en pertes.
Sur les 69 entreprises de presse en ligne étudiées, le chiffre d’affaires total s’élève à 53,5 millions d’euros (attention : pour les compiler, nous avons retenu la dernière année de dépôt des comptes). Soit un chiffre d’affaires moyen par site de 775 000 euros.
Le résultat net total de l’ensemble des 69 sites s’élève à 1 391 000 euros. Soit un résultat net moyen par site de 20 159 euros.
Les deux sites « gagnants » sont…
Les deux poids lourds du classement, Arrêt sur Images et Médiapart, réalisent le plus gros chiffre d’affaires : 1 145 175 euros en 2017 pour ASI, et 11 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016 pour Médiapart. Leurs revenus représentent à eux seuls plus de 20% de l’ensemble des adhérents du Spiil ayant déposé leurs comptes.
Le tableau permet de définir quatre grandes familles :
1/ Les poids lourds, déjà cités, tels Médiapart ou Arrêt sur Images.
2/ Les sites d’info locaux (Info-châlons, Guyaweb…)
3/ Les sites de niche (moto, art, littérature…)
4/ Les sites destinés à des professionnels (professions de santé, gérants de SARL, etc…)
Très grande diversité des business models :
Le business model le plus fréquent : accès gratuit à une partie du site, et accès payant pour la totalité du site. (Miroir social, Aérobuzz, Altapresse, Comimpex, Sportive-info, L’imprévu, InfoToutCourt, La tribune de l’art, Médialab, MiroirSocial, Atlantico, WorldCrunch, LeZéphyrMag.)
Le business model des sites entièrement gratuits est généralement fondé sur la publicité, mais pas seulement. Parmi les autres outils utilisés, les sites peuvent faire appel aux sponsors, aux « partenaires », aux comparateurs de prix, à l’affiliation, aux « Publications suggérées », aux subventions, ou encore aux « reportages corporate » (ArtsHebdoMedias, News-assurances, StreetPress, SportEtHandicaps.)
La variété des business models est extrême : du tout gratuit financé par la publicité (G Prod pour AuxereTV.com), au site exclusivement payant dont l’abonnement est très onéreux (APM News), toute une série de financements sont mis à contribution pour diversifier les sources de revenus. Ainsi, Actualitté dispose-t-elle d’un mécanisme d’affiliation, Aqui!Presse fait appel aux dons, Alimentation-Générale propose des études et des produits éditoriaux, et Tourmag des prestations de communication, comme la publicité, de l’événementiel, de la rédaction de brochures, du brand content, de l’emailing, des tournages vidéos et des « packs photos. »
Nombreux sont les sites qui proposent aussi une boutique en ligne, comme ParisBerlinMag.com ou Herodote.net.
À noter que plusieurs sites semblent se livrer à la diffusion de publi-rédactionnels qui ne sont pas signalés comme tels.
Influence de l’esthétique du site :
On distingue des sites à l’apparence esthétique ou sobre, et les sites en apparence touffus ou surchargés.
- Sites qui sont sobres ou esthétiques et rentables : 26
- Sites qui sont esthétiques ou sobres et en pertes : 11.
- Ratio : 70% des « sobres » sont rentables
- Sites qui sont à la fois « touffus » et rentables : 16
- Sites qui sont à la fois « touffus » en perte : 12
- Ratio : 57% sites « touffus » sont rentables
Parmi les sites en perte, 53% sont « touffus », 47% sont « propres ».
Difficile de déterminer si la sobriété conduit nécessairement à la rentabilité: si les sites « touffus » sont plus souvent en perte, c’est en effet soit parce que leur graphisme « à l’arrache » traduit un manque de moyens, soit parce que leur design rebute les lecteurs-clients.
Gratuit ou payant ? Le modèle gagnant :
- 44% des sites gratuits sont en pertes.
- 62% des sites disposant d’une partie gratuite et d’une partie payante sont en perte.
- 72% des sites à accès uniquement payant sont rentables.
La liste et les résultats des sites d’info se trouvent ici.
Laurent Calixte